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Qui est Aimé Césaire : homme politique français mais aussi poète

Cette année 2008 aura été marquée par la disparition, survenue le 17 avril, de celui qui se fit aux côtés du sénégalais Léopold Sédar Senghor le chantre de la « négritude » : l’illustre martiniquais Aimé Césaire. À l’instar de son ami africain qu’il rencontre dans les couloirs du lycée Louis-le-Grand en 1931 et avec lequel il intègrera l’Ecole normale supérieure, Aimé Césaire consacra sa vie à la littérature et à la politique. Revenons sur le parcours du grand poète de la « négritude », qui fut parmi les premiers à pousser « le cri noir de la raison ». Les premières lignes de la biographie d’Aimé Césaire sont écrites le 26 juin 1913 à Basse-Pointe sur l’Ile de la Martinique : il est le quatrième enfant à voir le jour au sein d’une fratrie qui en comptera sept. Son grand-père a été le premier enseignant noir de l’île, sa grand- mère compte parmi les premières femmes lettrées de son époque. Son père est contrôleur des impôts, tandis que sa mère exerce la profession de couturière. Manifestant dès le plus jeune âge des aptitudes pour les lettres, Aimé Césaire décroche une bourse et est admis au lycée Victor Schoelcher de Fort-de-France.

 

En 1931, il traverse l’Atlantique en bateau (la traversée dure huit jours) pour intégrer une hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand. C’est donc là qu’il se lie d’amitié avec l’Africain Léopold Sédar Senghor, avec lequel il partage la condition Nègre. Leur complicité perdurera jusqu’à la mort de Senghor qui intervient au cours de l’année 2003. Ensemble, ils commencent à fréquenter les milieux surréalistes. Aux côtés du guyanais Léon Gontran Damas, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor fondent en septembre 1934 la revue l’Étudiant Noir.

 

C’est dans les pages de cette revue qu’ils vont forger le concept clé de négritude, sorte de matrice explicative de toutes leurs réalisations littéraires et politiques. C’est à Aimé Césaire que revient la paternité du terme de négritude, qu’il emploie pour la première fois en 1935 dans le troisième opus de la revue fraichement créée. La négritude constitue une forme de réaction à la colonisation, un colossal travail de mémoire culturel contre l’idéologie coloniale et raciale : « ce mot désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. », écrira Aimé Césaire. C’est à l’aune de cette doctrine que Césaire considère sa Martinique natale quand il y retourne, il livre alors une poésie qu’André breton qualifie de « belle comme l’oxygène naissant » et la consigne dans le recueil qui paraît en 1939, Cahier d’un retour au pays natal. Pour Senghor, le poète Césaire est « le maître magnifique de sa langue, jusque dans le bouillonnement de son délire ». Agrégé de lettres, Aimé Césaire rentre avec sa compagne Suzanne Roussi enseigner au lycée Victor Schoelcher.
Qui est Aimé Césaire : homme politique français mais aussi poète
Qui est Aimé Césaire : homme politique français mais aussi poète

 

Il va alors fonder une nouvelle revue, Tropiques, dont le premier numéro paraît en 1941. C’est en 1945 que débute la vie politique d’Aimé Césaire, presque par hasard… Adulé par ses élèves, il est sollicité par les communistes locaux pour mener leur liste aux municipales de 1945…et c’est presque à sa grande surprise qu’il se retrouve élu. Dans la foulée, il est également élu à la députation. Un de ses premiers combats est celui de la départementalisation de la Martinique, qui intervient avec une loi de 1946 dont Aimé Césaire est le rapporteur. Pendant près d’un demi-siècle, Aimé Césaire constitue la référence politique martiniquaise : il est maire de la ville principale pendant 56 ans et député pendant 48 ans. En 1956, quand l’URSS envahit la Hongrie, il quitte avec fracas le Parti communiste. Dans une Lettre à Maurice Thorez, il livre ses exigences politiques fondamentales : « aucune pensée ne vaut que repensée par nous et pour nous. Et c’est ici une révolution copernicienne qu’il faut imposer, tant est enracinée en Europe, et dans tous les partis et tous les domaines, de l’extrême droite à l’extrême gauche, l’habitude de faire pour nous, de disposer pour nous, l’habitude de penser pour nous, bref l’habitude de nous contester le droit à l’initiative qui est, en définitive, le droit à la personnalité ». Parce que « L’heure de nous-mêmes a sonné », Aimé Césaire fonde alors le Parti progressiste martiniquais. En parallèle à ses activités politiques, Aimé Césaire continue de s’adonner à la littérature et publie plusieurs recueils de poèmes, à l’instar de Ferrements (1960) et de Moi, laminaire (1994). En 2001, l’icône martiniquaise se retire de la vie politique avec l’espoir d’avoir mené à bien son combat : « Peut-être fallait-il être Antillais, c’est-à-dire si dénué, si dépersonnalisé, pour partir avec une telle fougue à la conquête de soi et de la plénitude ». Ces mots écrits par Césaire à propos de son compatriote Frantz Fanon (psychiatre apôtre de la violence du combat indépendantiste) valent sans doute pour lui-même. Des obsèques nationales ont été organisées à la mort du poète, décédé à l’âge canonique de 94 ans, elles ont notamment été le théâtre de lectures saisissantes de quelques passages des oeuvres d’Aimé Césaire.

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