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Vrai-faux ? Le Pr Thomas, dermatologue, répond aux interrogations sur les UV

C'est le spécialiste français, voire mondial, de la photodermatologie. Le professeur Pierre Thomas a créé les sociétés française et européenne de photo- dermatologie. Il a largement contribué à la rédaction du décret de 1997 sur la vente et la mise à disposition au public des cabines UV en France. Et il habite à Armentières. Avec lui, nous avons tenté de démêler le vrai du faux.

Temps de lecture: 4 min

Les UV, ce n'est pas dangereux si je n'en fais pas beaucoup. VRAI et FAUX. « C'est vrai, mais il faut considérer l'ensemble des expositions, y compris au soleil. Il faut choisir entre les UV et le soleil. Dans les cabines, on reçoit seize fois plus d'UV que dans le même temps d'exposition au soleil. Exemple : 5 minutes en cabine équivalent à 2 heures d'exposition au soleil. Si on fait de 10 à 20 séances d'UV par an, ce n'est pas dramatique. Mais en temps que dermatologue, c'est difficile de se prononcer : est-ce qu'un pneumologue apprend à un malade à fumer ? »

Les UVB sont les seuls rayons responsables du cancer de la peau. FAUX. « Les UVA sont responsables de l'effet bronzage immédiat, alors que les UVB provoquent les coups de soleil. On entend souvent dire que les UVB donnent le cancer et pas les UVA, mais en fait, c'est seulement plus long avec les UVA. Les UVA ne sont pas moins dangereux, mais plus pervers. Les deux sont cancérigènes. Le problème, c'est que comme on dit souvent que les UVA ne provoquent pas le cancer, les crèmes anti-solaires protègent davantage contre les UVB. Cela entraîne une surexposition du public, qui se sent protégé. »

Les UV en cabine prépare la peau au soleil. FAUX. « Faire des UV avant d'aller au soleil, ça augmente les dégâts sur la peau. Le vrai danger, c'est que comme on se sent coloré, on pense qu'on est plus protégé des effets du soleil, et on ne se rend pas compte de l'impact. Cette affirmation, c'est un prétexte allégué par les marchands de cabine et un alibi pour les clients qui vont en cabine !  »

Je peux appliquer un produit accélérateur de bronzage en cabine, sans danger. FAUX. « J'ai coutume de dire que ces produits, c'est du cancer en tube ! En France, ces produits sont interdits car ils sont photosensibilisants. En Belgique, la loi est bien souvent contournée, on en fait des produits seulement naturels, donc soi-disant bons. On utilise ces produits dans les tests pour provoquer le cancer chez la souris, c'est dire leur dangerosité ! »

 Les lunettes mises à disposition dans les cabines protègent suffisamment les yeux. VRAI. « C'est le cas des lunettes coques, complètement opaques aux UVA et UVB, portant la norme européenne. Le pire, c'est de ne pas mettre de lunettes du tout, pour éviter les marques dit-on, alors qu'un réflexe nous pousse à ouvrir les yeux. Certes, les UVB ne traversent pas les yeux, mais encore faudrait-il les scotcher ! »

Une fois bronzé, je n'ai plus besoin de me protéger. FAUX. « Le bronzage UVA, qui oxyde, colore la mélanine, ne protège pas contre les UVB. Donc il faut continuer de se protéger, sinon on attrape des coups de soleil qui peuvent être invisibles. En revanche, on paie la facture à 40 ans avec une peau vieillie. »

 Le capital soleil se régénère chaque hiver. FAUX. « Parler de capital soleil pour la peau ne veut rien dire, les mots ne sont pas adaptés : en fait, les dégâts s'accumulent, plus on reçoit d'UV, plus il y a de lésions ! Ce concept a été inventé par les laboratoires pour vendre des crèmes. Une nuance est à faire : la peau se renouvelle tous les 21 jours, un peu plus vite quand on va sous les UV. Mais les cellules souches, elles, ne se renouvellent pas. Si les dégâts sont là, ils resteront toute la vie, avec pour résultat un cancer trente ans plus tard. Au terme de capital soleil, je préfère celui de cumul des lésions ; ce sont elles qui se capitalisent. »

On a tous un capital soleil différent. VRAI. « Je n'aime pas l'expression, je viens de le dire. Mais il est vrai que la barrière au soleil diffère selon le type de peau, ce que j'ai appelé phototype. Plus la carnation est claire, plus le bombardement des UV est important. Ce qui provoque le cancer quand on a la peau claire, c'est d'aller au soleil de manière intermittente, en s'exposant beaucoup, sans se protéger suffisamment. »

On peut se rendre compte qu'on a dépassé son « quota » de soleil. VRAI. « Si on prend un coup de soleil, c'est que la dose admise par la peau est dépassée. C'est un signal d'alarme ! Comment s'en rendre compte quand on a une peau naturellement bronzée ? C'est simple : si, le soir, le bronzage a un aspect cuivré, lumineux, c'est qu'il y a coup de soleil. Si c'est un bronzage un peu "sale", c'est que ça va. Le bronzage UVA offre une coloration avantageuse, mais il ne dure pas, et donc on recommence : la séance d'UV n'est pas chère, mais c'est le nombre qui coûte ! »

Les UV peuvent avoir un rôle de soin. VRAI. « On s'en sert beaucoup en thérapeutique, sous contrôle dermatologique, mais pas pour bronzer ! Le bronzage, c'est même une complication du traitement. Vous savez, on traite ainsi les rejets de greffe par les UV. Les UV ont beaucoup plus d'effets que ce qu'on imagine... » 

PAR PERRINE DIÉVAL

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