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« On dit que l’amour dure trois ans : en entreprise, c’est le temps qu’il faut désormais pour faire le tour d’un poste »

Entre « fidélité » et « désertion » à l’égard de leur entreprise, les jeunes diplômés des grandes écoles hésitent, parfois perdus dans « l’absurdité » du monde du tertiaire, analyse Thomas Simon, professeur et auteur d’une thèse sur le sujet.

Propos recueillis par 

Publié le 10 décembre 2022 à 08h00, modifié le 12 décembre 2022 à 10h13

Temps de Lecture 5 min.

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Professeur assistant à Montpellier Business School (MBS), Thomas Simon a soutenu en juin une thèse de gestion consacrée à la manière dont les jeunes diplômés réagissent à « l’absurdité » en entreprise. Outre des entretiens approfondis menés auprès de jeunes âgés de 24 ans à 30 ans, diplômés de grandes écoles de commerce et d’ingénieurs en poste depuis cinq ans maximum, le chercheur s’est appuyé sur un récit de voyage en Afrique de l’écrivain Michel Leiris pour rendre compte des désillusions de ces jeunes, perdus en plein « désert » organisationnel et managérial.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur ce thème de l’absurdité ?

D’abord pour des raisons autobiographiques ; j’ai 30 ans, je suis moi-même diplômé d’une école de commerce, où j’ai suivi des cours totalement nébuleux. Dans mon environnement proche, beaucoup de jeunes actifs ont été gagnés par un sentiment d’absurdité en arrivant en entreprise, que ce soit à cause de réunions inutiles, d’ordres contradictoires venant de la hiérarchie ou d’objectifs impossibles à atteindre. La recherche en management donne des clés pour aider les entreprises à mieux fonctionner, mais il y a également un courant plus critique, celui des Critical Management Studies [CMS], qui permet de prendre du recul, dans le sillage du travail de l’anthropologue David Graeber sur les bullshit jobs.

Vous parlez d’une désillusion qui commence avant même l’entreprise, dès l’entrée dans les grandes écoles…

Surstimulés en classes préparatoires, les étudiants que j’ai interrogés se heurtent ensuite à un double fossé, de la prépa à l’école, puis de l’école à l’entreprise. Ils sont déçus par leurs cours mais pensent que ça ira mieux une fois qu’ils seront insérés dans le monde professionnel et immergés dans la « vraie vie » des adultes.

« Les jeunes s’imaginent qu’ils deviendront des aventuriers de l’entreprise, chargés de missions exaltantes »

Les écoles alimentent un discours grandiloquent sur les postes qu’ils occuperont après leur formation, et les jeunes s’imaginent qu’ils deviendront des aventuriers de l’entreprise, chargés de missions exaltantes avec une dimension internationale. Or ils vivent bien souvent une nouvelle désillusion, parce que l’écart entre ce qu’on leur a promis en entretien et le travail concret une fois en poste est immense.

Votre constat va au-delà de l’ennui au travail : certains jeunes évoquent de véritables injustices, voire des mensonges encouragés par leur hiérarchie…

Pour certains, il se produit un événement datable, à partir duquel ils atteignent la limite de ce qui est tolérable. Une jeune diplômée à laquelle on a interdit d’assister à la soutenance de thèse de sa sœur une après-midi, une autre qui, après un AVC, s’est retrouvée comme une inconnue au milieu de ses collègues à son retour… Certains ont dû mentir sur leur profil LinkedIn et ajouter des expériences sur leur CV, pour justifier les tarifs d’entreprises de conseil qui vendent à leurs clients des prestations de jeunes consultants en réalité inexpérimentés.

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