Faut-il vraiment prendre de la vitamine C pour lutter contre le rhume ?

Le rhume est une cause majeure de visites chez le médecin et d'absentéisme pendant la saison hivernale. La vitamine C est devenue particulièrement populaire selon l’argument qu’elle permettrait de le prévenir et de le soulager. Mais selon l’Inserm, cette affirmation reste à vérifier et, surtout, ne doit pas inciter à consommer en masse des compléments alimentaires à base de vitamine C. Explications. Faut-il vraiment prendre de la vitamine C pour lutter contre le rhume ? iStock/jeffbergen

Au-delà de la prévention et du traitement du scorbut, les autres propriétés attribuées à la vitamine C sont la lutte contre la fatigue, l’amélioration des défenses immunitaires, la réduction de la durée du rhume. Et cette dernière est d’ailleurs bien retenue du grand public puisque lorsque le mois de décembre approche, les conseils pleuvent pour inciter chacun à absorber sa dose quotidienne de vitamines sous forme de jus de citron ou de compléments alimentaires. Pour certains, il est ainsi nécessaire de prendre tous les hivers de la vitamine C en prévention sous forme de compléments alimentaires pour lutter contre les maladies hivernales. Mais selon l’Inserm et son enquête publiée dans sa rubrique Canal Detox, la prise de compléments alimentaires à base de vitamine C ne sont pas le réflexe à privilégier pour espérer se protéger efficacement contre le rhume. L’organisme précise toutefois en premier lieu que la vitamine C remplie de nombreuses fonctions dans l’organisme, il s’agit même d’un fait scientifiquement avéré.

Celle-ci permet en effet de consolider les fibres de collagène, constitutives du tissu conjonctif qui soutient les cellules et structure ainsi les autres tissus, comme le rappelle l’ANSES* à son sujet. Elle intervient également dans la synthèse de molécules impliquées dans la transmission nerveuse (ex. noradrénaline) et assure un rôle protecteur des tissus en captant les substances oxydantes. Enfin, elle facilite l’absorption du fer non héminique (présent dans les aliments d’origine végétale comme les légumineuses ou les noix). Et comme notre organisme n’est pas capable de la synthétiser, c’est par l’intermédiaire de l’alimentation que nous devons nous en procurer : l’ANSES préconise, en termes de Référence Nutritionnelle pour la population (RNP) d’en absorber en moyenne 110 mg/jour pour un adulte (120 mg/jour pour les femmes enceintes et 170 mg/jour pour les femmes allaitantes). Est-ce à dire qu’en allant au-delà des doses recommandées et en consommant encore plus de vitamine C, on augmenterait ses effets bénéfiques, notamment pour se protéger de l’attaque des virus responsables des inévitables rhumes ou rhinites de l’hiver ?

Prudence quant au choix des compléments alimentaires

La réponse est tout simplement non selon l’Inserm, étant donné que « de nombreuses études se sont penchées sur la question, et aucune d’entre elles n’a pu démontrer clairement des effets bénéfiques significatifs de la vitamine C à haute dose sur la fréquence, la durée ou encore la sévérité des rhumes. » Pour ses experts, l’adage populaire selon lequel « un rhume non soigné dure 7 jours, soigné il dure une semaine » semble donc bel et bien vérifié. Un article sur le sujet publié sur la plateforme Cochrane et regroupant plusieurs recherches scientifiques menées dans ce domaine en arrive à la même conclusion. A savoir que « l'incapacité de la supplémentation en vitamine C à réduire l'incidence des rhumes dans la population générale indique qu'une supplémentation systématique en vitamine C n'est pas justifiée. » La revue spécialisée indique cependant que seuls quelques essais thérapeutiques ont été réalisés et qu’aucun d’entre eux n'a examiné les enfants, bien que l'effet prophylactique de la vitamine C ait été plus important chez ces derniers.

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Selon ses conclusions, il convient par ailleurs de mener d’autres études pour déterminer le rôle éventuel de la vitamine C thérapeutique, « c'est-à-dire l'administration immédiatement après l'apparition des symptômes. » Qu’en est-il des compléments alimentaires à base de vitamine C ? Leur usage est fréquent en France puisque selon l’Inserm, près de 30% des adultes consomment des compléments alimentaires en France, sachant que la vitamine C fait partie, avec le magnésium et la vitamine B6, des trois nutriments les plus consommés pendant l’hiver sous forme de compléments alimentaires. La revue médicale Vidal invite à la précaution lorsqu’il s’agit de les choisir puisque la plupart contiennent généralement de l’acide ascorbique ou de l’ascorbate : ceux à base d’ascorbate sont moins acides, donc moins agressifs pour l’estomac. Certains compléments renferment également des flavonoïdes censés augmenter l’absorption de la vitamine C. Or, la revue estime que « cet effet n’a jamais été démontré et certains flavonoïdes issus du pamplemousse pourraient interagir avec des médicaments : ils sont à éviter. »

Consommer encore plus de vitamine C pour lutter plus efficacement contre le rhume ?

En outre, la revue rappelle qu’en 2012, les autorités de santé européennes (EFSA, European Food Safety Authority et la Commission européenne) se sont prononcées sur certaines allégations santé des aliments et des compléments alimentaires contenant de la vitamine C (acide ascorbique). Après examen des données scientifiques, elles ont estimé que ces produits ne peuvent pas prétendre notamment à être nécessaires pour le maintien de la vitalité et pour soulager les irritations de la gorge ou des voies respiratoires supérieures. Quant à l’efficacité de la vitamine C pour réduire la durée du rhume, la revue Vidal fait également remarquer que « de très nombreuses études se sont penchées sur le sujet. Les résultats semblent indiquer un effet modeste, observé plutôt chez les enfants et chez les personnes qui consomment peu de fruits et légumes. » Car c’est en réalité là la principale recommandation à suivre: le premier réflexe consiste simplement à privilégier au quotidien une alimentation variée et équilibrée, riche en fruits et en légumes.

Cette bonne habitude suffirait, d’après la revue, « à couvrir nos besoins en vitamine C. » Le constat est le même pour l’Inserm qui recommande, au lieu de recourir à une supplémentation, de consommer des fruits et légumes riches en vitamine C. Quels sont-ils ? La liste figure sur la table Ciqual** gérée par l’ANSES. Il s’agit de fruits tels que la cerise acérola, la goyave, le cassis, des agrumes mais aussi du persil et des poivrons. Attention toutefois, la cuisson détruit en partie cette vitamine, c’est pourquoi il est préconisé de consommer des fruits et légumes crus ou surgelés. Pour résumé, non seulement il ne sert à rien d’ingérer de fortes doses de vitamines C au-delà des apports recommandés pour lutter contre le rhume, et ce d’autant qu’un apport excessif peut provoquer des problèmes digestifs et des nausées. En guise de conclusion, l’Inserm invite donc à la prudence avec la surconsommation de compléments alimentaires. Et son dernier constat concerne le fait « que rien ne garantit que les nutriments conservent leurs effets bénéfiques une fois extraits de leur matrice ni qu’ils aient les mêmes effets chez tout le monde, comme des fumeurs ou non ou des personnes malades ou saines. »

*L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

**La base de données de référence sur la composition nutritionnelle des aliments les plus consommés en France

le 20/12/2022