Paroles de – futurs – professeurs

  • Laura, Camille, Inès et Chloé, quatre étudiantes qui achèvent cette année leur Master MEEF 1er degré.
    Laura, Camille, Inès et Chloé, quatre étudiantes qui achèvent cette année leur Master MEEF 1er degré. CLAUDE BOYER
Publié le
A. Ca.

l'essentiel L’inscription aux concours de recrutement des personnels enseignant et d’éducation s’est achevée le 2 décembre. Quelques mois après une délicate rentrée marquée par les questions d’attractivité, l’Education nationale a multiplié les opérations pour séduire et convaincre. Comme avec la rencontre de sept étudiants en 2e année de Master métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation 1er degré. Des "profs" en devenir avec des certitudes. Et des attentes.

Vocation

Ils (et surtout elles) sont étudiants à l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de Carcassonne. Tous en 2e année de Master métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation (MEEF) 1er degré : au bout du chemin qui, en fin d’année, les mènera au concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE), sésame pour devenir professeur des écoles stagiaire à la rentrée 2023-2024. Sept étudiants qui exercent en responsabilité devant une classe, une fois par semaine.

Ivana : "C’est un parcours linéaire, j’ai toujours voulu faire ce métier. Dès la 3e, j’ai réalisé mon stage d’observation dans une école. J’ai passé un bac L, avec option math, avant d’intégrer la licence pluridisciplinaire de l’Inspé." Laura : "C’est une vocation qui est arrivée petit à petit. J’avais passé un bac STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) parce que je voulais m’orienter vers le métier d’architecte. Et puis j’ai vu ma belle-mère, qui est professeur dans le 1er degré, corriger des copies, je me suis intéressée à ce qu’elle faisait : j’ai changé tous mes vœux, et oublié l’architecture, pour une licence sciences de l’éducation à Paul-Valéry, à Montpellier. Dans ma famille, ce métier, c’est le Graal : quand mes grands-parents ont su que j’étais sélectionnée pour être alternante, ils étaient émerveillés." Inès : "J’étais intéressée par plusieurs métiers, je me cherchais un peu. Et puis en terminale, j’ai eu une prof d’histoire-géo passionnante et passionnée. Ce métier, on ne le fait pas pour la rémunération. Mais tout le monde ne se rend pas compte de ce que ça exige."

Formation

En responsabilité, devant une classe, chaque lundi, mais aussi sur deux périodes de stage ; à l’Inspé, avec 366 heures entre cours magistraux et travaux dirigés ; sans oublier un mémoire à rendre, et la préparation du CRPE. Voilà leur programme – très – chargé.

Chloé : "Si je devais repostuler, je le ferai 1 000 fois. Mais c’est vrai qu’il y a une charge mentale très forte. Ce n’est qu’un jour par semaine, mais on s’investit énormément dans le lundi que l’on passe devant les élèves." Ivana : "A la rentrée, je pensais être prête à prendre une classe : et je suis arrivée devant des moyennes et grandes sections, je me sentais un peu dépassée. Avec l’alternance, on voit de multiples situations, avec une tutrice qui est là pour apporter des solutions." Laura : "Les cours, on y pense tout le temps. En promenade, le week-end, je peux tomber sur un bout de bois, me dire que ça pourrait servir pour une activité avec les élèves. Il y a les DST écrits, beaucoup de devoirs à la maison et des temps de préparation et de correction énormes. Pour l’instant, j’ai mis de côté la révision du concours." Anthony : "C’est vrai que cette charge de travail, notamment liée à la préparation des cours, c’est une surprise. Parfois, quand on rentre à la maison à 21 h, on se dit que ce n’était peut-être pas le métier tel qu’on se l’imaginait." Inès : "Pour mes deux semaines de stage, au mois d’octobre, je devais m’occuper de cycles 3 (CM1-CM2, ndlr), et je n’avais jamais eu d’élèves de ce niveau lors des stages précédents. Je me posais des questions sur la gestion de la classe, j’avais très peur. Mais ce genre d’expérience, c’est ce qui peut nous arriver si on est remplaçant."

Reconnaissance

Le recours aux contractuels, le déficit de candidats, la question de la rémunération. S’ils ne sont pour l’heure pas encore des fonctionnaires de l’Education nationale, les étudiants ont une idée bien précise de leurs attentes. Et des limites qui existent aujourd’hui.

Camille : "On va sortir avec un Bac + 5, et c’est logique d’attendre un salaire à la hauteur. On sait qu’il va augmenter avec le temps et l’ancienneté, mais la revalorisation annoncée est la bienvenue. On se pose aussi la question des places accessibles via le concours : on donne beaucoup pendant cinq ans, et on ne va pas forcément se retrouver avec un poste adapté à nos espoirs." Anthony : "On fait sans doute partie des métiers les moins rémunérés à ce niveau d’études : je connais des gens qui ont choisi de ne pas continuer à cause du salaire. C’est dommage, ils auraient sans doute été de très bons professeurs. On sait que si on nous propose un poste à 2 heures de route de chez nous, on devra l’accepter. On aimerait surtout avoir la place que l’on mérite : il manque des enseignants, et on fait le choix d’ouvrir des postes de contractuels, pas de titulaires."

Laura : "Avec le recours aux contractuels, on risque de fermer des portes à des gens qui ont le diplôme. Ça fait forcément râler de voir d’autres personnes, qui n’ont pas suivi de formation, passer devant nous."

Pénurie ou regain ?

En prolongeant de deux semaines la période d’inscription au concours de recrutement, l’Education nationale espère s’éviter les affres de la rentrée 2022, avec des académies en panne d’enseignants. Dans l’Aude, le directeur académique avait chiffré à 10,5 le nombre de contractuels recrutés à la rentrée pour pallier les manques. Combien l’an prochain ? Tout dépendra du nombre d’inscrits et de reçus. L’an passé, sur l’académie de Montpellier, 1 954 inscrits étaient recensés pour le concours externe de recrutement de professeur des écoles : 575 candidats étaient présents, avec 361 admissibles, et 261 admis pour 254 postes à pourvoir (avec une liste complémentaire de 23 postes). En 2021, on comptait 3 923 inscrits.
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?