Loir-et-Cher : entre collège public et privé, la fracture sociale ?

Publié le 29-11-2022 à 06:25 | Mis à jour le 29-11-2022 à 12:43

Les trois collèges aux IPS les plus élevés sont privés.
© (Photo, archives NR)
Les indices de position sociale (IPS) des collèges dévoilés par le ministère de l’Éducation nationale révèlent de fortes disparités, d’abord territoriales.

Va-t-on s’orienter vers un système éducatif à deux vitesses, avec des collèges privés réservés aux enfants privilégiés et des collèges publics accueillant tous les autres ? La question mérite d’être posée avec l’analyse des indices de position sociale (IPS) des établissements du Loir-et-Cher.

Mi-octobre, l’Éducation nationale a été contrainte de les rendre publics, à la suite d’un recours déposé devant le tribunal administratif de Paris. « Une transparence » que salue Emmanuel Mercier, co-secrétaire départemental du FSU.
L’IPS moyen en Loir-et-Cher est de 101,37 L’indice de position sociale d’un collège reflète son profil moyen : les valeurs les plus faibles correspondent aux établissements accueillant les élèves les plus défavorisés, alors que les plus fortes reflètent les configurations sociales, économiques et culturelles des collèges les plus privilégiés. L’IPS du collège correspond à la moyenne de l’IPS de chacun de ses élèves.

L’IPS national moyen des collèges s’élève à 103,36 quand en Loir-et-Cher, la moyenne s’établit à 101,37 ; - de 64 au plus bas pour le collège François-Rabelais de Blois à 129,9 pour le collège Le Prieuré, à Sambin. Deux autres collèges privés – Sainte-Marie à Blois (126,9) et Saint-Joseph à Vendôme (121,7) – complètent le podium. A contrario, parmi les dix collèges du département à l’IPS le plus faible, on ne compte que deux collèges privés.

Le Département estime que « la prééminence des établissements privés sous contrat dans la partie supérieure du classement des IPS les plus favorables existe en Loir-et-Cher mais elle est plus contrastée (qu’au niveau national) : sur les 10 établissements ayant l’IPS le plus élevé, 4 relèvent de l’enseignement privé (soit 40 % des établissements privés) et 6 relèvent de l’enseignement public (soit 22 % des établissements publics). »
Une « ghettoïsation inadmissible » On notera également que l’IPS moyen des établissements privés sous contrat est de 96,23 donc inférieur à la moyenne départementale. Les inégalités sont davantage territoriales.
C’est ce qu’analyse le Département en disant que « l’un des collèges REP + de Blois (collège François-Rabelais) dispose de l’IPS le plus faible de la région, et constate également que le collège privé Saint-Vincent, également situé dans les quartiers nord de Blois, dispose lui aussi d’un IPS très faible (le plus faible de la région pour un établissement privé). Il y a donc une vraie caractéristique sociale sur ce secteur de recrutement. » C’est la situation du collège Rabelais qui fait bondir Benjamin Vételé, adjoint à la ville éducatrice à Blois et dans l’opposition au Département : « C’est absolument insupportable ! » L’élu n’hésite pas à parler de « ghettoïsation inadmissible du collège ». Et de poursuivre : « L’avenir de ces enfants doit mobiliser l’ensemble des acteurs publics. Il faut agir, il y a urgence ! » Le Département assure alors qu’ « un travail d’étude sur la sectorisation des collèges du Blésois auquel est associée l’Éducation nationale, est engagé. »

La proviseure du collège Rabelais, qui considère qu’elle accueille au sein de son collège « la population la plus pauvre de l’académie », insiste sur « les actions mises en œuvre » pour y remédier : le dispositif OEPRE (Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants), des kits de fournitures scolaires, le paiement de certains bilans médicaux onéreux, etc.

 

Des familles pensent que le privé est trop cher alors qu’il y a des aides qui existent

Bruno Chauvineau, directeur diocésain

Si les catégories populaires ont peu accès à l’enseignement privé, c’est parce que celui-ci est payant. Pour le directeur diocésain, Bruno Chauvineau, cet argument du prix est recevable uniquement pour les trois collèges disposant d’internats (ce sont ceux en tête du classement ; pour Sainte-Marie, il vient tout juste d’être fermé). En revanche, pour les autres, les prix ne créent pas de ségrégation, assure-t-il : « Des familles pensent que le privé est trop cher alors qu’il y a des aides qui existent. Elles s’excluent d’elles-mêmes. D’ailleurs, dans les quartiers populaires, des populations fragilisées font le choix de l’enseignement privé. »

Enfin, le privé choisirait ses élèves ? Un argument que réfute également Bruno Chauvineau : ses établissements « ne prennent pas uniquement des très bons élèves. Le seul critère, c’est l’adhésion de la famille au projet de l’établissement. Nous accueillons aussi des élèves en difficulté. »

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