C’est une bombe, mine de rien. Le Xerfi, organisme d’étude réputé, s’attache désormais très régulièrement à observer les tendances de l’immobilier. Le marché fait l’objet d’analyses pertinentes, mais aussi les acteurs et les pratiques professionnels. La dernière livraison du Xerfi révèle que les ménages les plus jeunes ont tendance à se détourner des agents immobiliers pour deux grandes raisons. Familiers des outils digitaux, ils sont prêts à y recourir pour acheter ou vendre eux-mêmes, de la rédaction d’une annonce au choix de publication sur tel portail en passant par le reportage photo, la diffusion sur les réseaux sociaux, jusqu’à la rédaction de la promesse ou du compromis et sa signature virtuelle. En outre, les jeunes sont davantage enclins à faire et à ne pas déléguer, là où la prestation de l’agent immobilier se veut intégratrice de toute la chaîne. Typiquement, aucun agent immobilier ne découpe ses services, acceptant par exemple que son mandant vendeur fasse visiter son bien lui-même, et que les honoraires en soient minorés.

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Précisément, la question des honoraires n’est pas indifférente, et travailler soi-même à la réussite de la vente de son bien a bien sûr l’objectif d’économiser le coût de l’intermédiation, mais c’est plutôt que la valeur ajoutée n’est pas perçue. Bien des études antérieures ont déjà fait ressortir cette vérité : le contenu de la prestation semble à ceux qui sont tentés d’y recourir insuffisant rapporté au prix demandé. Cette réflexion ne peut être décorrélée de l’enquête en cours de l’Autorité de la concurrence qui, sur mandat du ministère de l’Economie, s’interroge sur l’exception française : les honoraires des agents immobiliers de notre pays sont les plus élevés des pays comparables, et Bercy n’exclut pas que la réglementation Hoguet soit cause de cette relative cherté. En clair, le risque de dérégulation de la transaction immobilière est non nul. Les réflexes des jeunes apportent de l’eau au moulin de ceux qui croient que le duo activité réglementée-attractivité est périmé…

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A contrario, les plus âgés, cinquantenaires, sexagénaires, considèrent l’agent immobilier comme une figure emblématique et rassurante au moment de vendre ou d’acheter un bien immobilier. Une référence en somme, inscrite dans leur inconscient collectif.

Quel enseignement tirer de cette étude ? D’abord que les intermédiaires ne doivent pas négliger ce constat que leur clientèle naturelle vieillit, et qu’elle ne peut, si le mouvement n’est pas enrayé, que se réduire, le plus âgés étant appelés à mourir. Triste à dire, mais implacable. Ensuite qu’une tendance ne fait pas une réalité absolue : il faudrait connaître la segmentation par âge en particulier des grandes enseignes nationales, franchises, coopératives, marque de transaction intégrée, les Century 21, Guy Hoquet, Era, Citya, Foncia, Human, ORPI, et d’autres, pour savoir si ce constat de vieillissement est confirmé au sein de marques qui ont rajeuni leur image et ont déployé des efforts pour l’associer davantage à la promesse de performance. Il faudrait les connaître sans biais commercial…

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Il est tout de même probable que tous ne pâtissent pas de ce mouvement avec le même degré de gravité. Jean de la Fontaine nous dit dans Les animaux malades de la peste : “Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés”. Le sont-ils même tous ? L’étude du Xerfi doit être approfondie.

On observe aussi, et l’étude le rappelle, que les intermédiaires tiennent à ce jour des positions fortes. On parle des deux tiers du marché, 64% exactement d’après l’enquête du Xerfi. Qui note que cette part n’est que de 60% chez les jeunes. On annonçait il y a vingt ans un taux de pénétration de 50%, ce qui signifie que les intermédiaires ont su convaincre de leur utilité au cours de la période précédente. On pourrait, démographie à l’appui, soutenir que le vieillissement de la population les a servis, si le Xerfi a raison. On pourrait plutôt - on pourrait surtout -, comme des figures professionnelles l’ont reconnu, tel Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM, analyser que les réseaux de mandataires sont largement à l’origine de la hausse du taux de pénétration des intermédiaires. Leur modèle a sans doute converti de jeunes ménages, et de plus âgés, réfractaires au recours aux agents immobiliers, et les a conduits à préférer la délégation au faire soi-même.

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Tout se passe comme si n’avoir pas à pousser la porte d’une agence, mais pouvoir rencontrer de façon plus souple, chez soi, dans un tiers lieu, un négociateur, était moins intrusif et remettait en question les certitudes de manière plus insensible. Ce diagnostic ne peut guère être mis en doute : on prête à ces réseaux de l’ordre de 20% du marché intermédié, soit 13,2% des transactions réalisées par un professionnel : c’est l’essentiel du chemin parcouru depuis 20 ans quant à la pénétration du marché par les professionnels (de 50% à 66%).

Ont-ils également été conquis par des honoraires plus digestes et un rapport prestations-prix plus ajusté ? Oui au début, il y a une dizaine d’années, au moins pour partie d’entre eux, mais cette arme n’est plus aujourd’hui la plus puissante de leur arsenal. Ils s’en défendent même, bien que leurs tarifs soient en moyenne plus bas de 15 à 20%, ce qui est significatif. Dans le même temps, les agents immobiliers ayant pignon sur rue sont en train de dire la vérité sur leurs honoraires moyens, plus proches des 4% HT que des 6% longtemps revendiqués : l’érosion de la solvabilité des ménages et le mécanisme d’indexation sur les prix, en augmentation forte depuis quinze ans quasi partout, les ont conduits à baisser fortement leurs honoraires.

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Voilà qui périme les clivages existant encore dans la profession, et la querelle entre les anciens - fussent-ils devenus modernes - et les modernes - qui ne renient pas les pratiques traditionnelles d’ailleurs. Et il n’est que temps que tous prennent chez les autres le meilleur, et que les intermédiaires poussent en mêlée, pour emprunter une métaphore rugbystique. D’autant que le périmètre du marché des transactions se réduit sous l’effet de l’inflation. Quoi qu’il en soit, l’étude du Xerfi bouscule. Encore n’aborde-t-elle pas un autre sujet, le regard sur le métier des jeunes désireux d’entrer dans le monde de la transaction… Pour eux aussi, il est précieux et urgent de faire rimer négociation immobilière avec modernité et séduction.

À cet égard, deux voies sont sans nul doute à emprunter : enrichir et digitaliser encore les services et les process de travail, et améliorer l’image. Le second objectif ne fera pas l’économie de deux dispositions prévues par la loi ALUR, encore inapplicables faute de décret, une exigence de formation préalable à toute autorisation d’exercer pour les collaborateurs, salariés ou agents commerciaux, et un dispositif de discipline et de sanction dans la profession. Un challenge pour une communauté professionnelle encore en quête de respectabilité 50 ans après l'avènement de la réglementation de police qui en a encadré l’activité.

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