Réforme de l’Assurance chômage : nouvelle baisse prévue de la durée d'indemnisation, les syndicats en colère

Des représentants de divers syndicats ont exprimé leur mécontentement ce lundi après avoir reçu, le 23 décembre, veille du réveillon de Noël, un nouveau projet de décret. Initialement, le texte présenté en novembre, prévoit une baisse de 25% de la durée d'indemnisation pour tous les demandeurs d'emploi ouvrant des droits à l'assurance chômage à partir du 1er février en métropole. Un chiffre qui passerait à 40% si le chômage descendait sous les 6%.
Olivier Dussopt, le ministre du Travail, échange avec le parlement depuis novembre pour faire passer sa nouvelle réforme du chômage. (photo d'illustration d'Olivier Dussopt)
Olivier Dussopt, le ministre du Travail, échange avec le parlement depuis novembre pour faire passer sa nouvelle réforme du chômage. (photo d'illustration d'Olivier Dussopt) (Crédits : Reuters)

Après avoir sorti dix fois l'article 49.3 en quelques mois, le gouvernement Borne a dévoilé à la veille de Noël, une nouvelle disposition de la très contestée réforme de l'assurance chômage. Ce nouveau projet de décret prévoit une réduction de la durée d'indemnisation de 40% si le chômage passe sous les 6%.

Lire aussiAssurance-chômage : les 6 points clés de la réforme du gouvernement

Une modification de l'Assurance chômage, proposée le 23 décembre après-midi, qui n'a pas laissé le temps aux syndicalistes de se retourner. En conséquence, ce lundi plusieurs représentants syndicaux ont indiqué leur mécontentement. Sur la forme, « ce n'est pas acceptable de faire une annonce le 23 décembre sans échanges et sans concertation. C'est vraiment de très mauvais goût », a déploré Cyril Chabanier (CFTC) sur BFM Business. Sur le fond, « il s'agit de considérer que toute personne au chômage l'est un peu par sa faute (...). C'est une position idéologique, de l'ordre de la punition collective, c'est inadmissible », a dénoncé François Hommeril (CFE-CGC) sur France Inter.

Lire aussiAssurance-chômage : pourquoi le gouvernement frappe fort

Une réforme pour durcir l'accès au chômage en période de manque de personnel

Comme annoncé fin novembre, ce texte phare du gouvernement prévoit une baisse de 25% de la durée d'indemnisation pour tous les demandeurs d'emploi ouvrant des droits à l'assurance chômage à partir du 1er février en métropole. Mais, proposition nouvelle depuis le 23 décembre, il envisage aussi qu'avec un taux de chômage sous les 6%, la durée d'indemnisation soit réduite, non plus de 25%, mais de 40%. La fiche de présentation du décret précise que « les conditions d'application de cette disposition sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat pris après concertation » avec les partenaires sociaux.

En présentant la réforme cet automne, le ministre du Travail Olivier Dussopt avait évoqué la possibilité d'un durcissement en cas de chômage inférieur à « 5% », soit le niveau auquel on peut parler de « plein emploi ». Pour rappel, le taux de chômage en France atteignait 7,3% au troisième trimestre 2022.

Le chômage pourrait remonter en 2023-2024

Or, le scénario de « plein emploi » semble désormais s'éloigner, la Banque de France ayant annoncé samedi 17 décembre qu'elle anticipait une croissance en décélération de 2,6% en 2022 à 0,3% en 2023, selon le scénario « le plus probable » retenu pour les projections macroéconomiques des trois prochaines années. Ce tassement sera suivi d'un rebond à 1,2% en 2024 - moins que le +1,8% anticipé précédemment, car « l'hiver 2023-24 pourrait encore être un peu compliqué dans le contexte de la crise énergétique », selon son directeur général, Olivier Garnier. Mais la reprise se poursuivra en 2025 avec une croissance attendue à 1,8%. Dans ces perspectives, le chômage connaîtrait une hausse « temporaire » à plus de 8% sur la période, avant de refluer.

Lire aussiLa réforme de l'assurance-chômage pourrait creuser les inégalités et accélérer la polarisation de l'emploi

Les entreprises de nouveau incitées à embaucher

Au-delà de cette question de l'adaptation des indemnités chômage au contexte macro-économique, le texte confirme aussi que certaines populations sont exclues de la réforme comme les intermittents du spectacle, les marins-pêcheurs ou les dockers.

Concernant le « bonus-malus » sur la cotisation d'assurance-chômage des entreprises de sept secteurs grands consommateurs de contrats précaires (hébergement et restauration, transports etc.), le texte prolonge jusqu'au 31 août 2023 la première modulation qui a débuté le 1er septembre 2022, incitant les entreprises à embaucher. Il établit une seconde période du 1er septembre 2023 au 31 août 2024, en réintégrant les entreprises très touchées par la crise sanitaire qui avaient été exclues, ce qui leur laisse donc le temps de se rétablir avant de penser à embaucher.

Pour l'instant, le projet de décret de 12 articles a été transmis aux membres de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) dont l'avis est consultatif. Ils examineront le texte le 10 janvier. Ce texte devrait prendre fin au 31 décembre 2023, les partenaires sociaux devant négocier de nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.

Face aux critiques des syndicats, la majorité se défend. « Non seulement ce n'est pas figé » mais ce décret ne serait valable que pour 2023, a justifié le député Renaissance Mathieu Lefèvre sur RMC/BFMTV, ce lundi. Il a aussi reconnu que « le gouvernement préempte, pour l'avenir peut-être, une situations dans laquelle on sera dans le plein emploi ». Mathieu Lefèvre estime aussi qu'il « assume pleinement » la réduction de la durée d'indemnisation car « parfois, il y a des gens qui refusent des offres d'emploi, qui se soustraient, qui ne se présentent pas (et lorsqu'on a du mal à recruter) ce n'est pas possible. »

Une baisse des allocations perçues déjà observée

Une chose est sûre, une réforme de l'Assurance chômage aura des conséquences. Pour le meilleur, pour le gouvernement, pour le pire selon les syndicats et les opposants politiques.

Le 14 décembre, l'Unédic, l'association chargée de la gestion de l'Assurance chômage a dressé un premier bilan de la précédente réforme. Cette dernière, lancée en 2019 et pleinement entrée en vigueur fin 2021, a notamment durci les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi, en particulier ceux alternant entre périodes de travail et d'inactivité.  L'Unédic, observe, au vu de résultats portant sur les données de fin juin 2022, que les allocataires touchés par la réforme ont en moyenne reçu une allocation journalière inférieure de 16% à ce qu'ils auraient perçu avec les anciennes règles. En parallèle, la durée potentielle des droits a augmenté à 18 mois en moyenne, soit une hausse de 3 mois. L'Unédic note aussi une baisse de 20% des ouvertures ou rechargements de droits par rapport à 2019, en raison des nouvelles règles et d'effets conjoncturels. La baisse est plus importante chez les moins de 25 ans (-26%), les allocataires sortant de CDD (-30%) ou de contrat d'intérim (-37%). La part des allocataires indemnisés parmi les inscrits à Pôle emploi est de 36,6% en juin 2022, contre 40,4% en décembre 2021.

« Au moins la moitié des futurs allocataires impactée » par la nouvelle réforme

Dans un autre document, l'Unédic évalue les effets de la nouvelle réforme dévoilée fin novembre qui va engendrer, par décret, une baisse de 25% de la durée d'indemnisation pour tous les demandeurs d'emploi ouvrant des droits à partir du 1er février. Selon l'organisme, « quelle que soit la durée du droit actuel, au moins la moitié des futurs allocataires est impactée ». En moyenne, en régime de croisière (après 5 ans), le nombre d'allocataires indemnisés diminuerait de 12%, soit environ 300.000 personnes, et la réforme engendrerait « de moindres dépenses de l'ordre de 4,2 milliards d'euros ».

Dans un communiqué, la CGT estime qu'elle « ne s'était pas trompée dans ses prévisions en dénonçant un saccage (...) La réforme de 2021 a non seulement exclu un très grand nombre de travailleurs privés d'emploi de l'indemnisation, mais elle a particulièrement touché les jeunes ainsi que les travailleurs ayant perdu un CDD ou un contrat d'intérim », écrit le syndicat, qui dénonce un « prochain tour de vis » avec la nouvelle réforme.

Cette dernière a néanmoins été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 15 décembre, après que les députés LFI, PS, EELV et PCF ont saisi les Sages, arguant que la loi portait atteinte « au principe de fraternité » et créait « une rupture d'égalité ».

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 27/12/2022 à 15:32
Signaler
Pourquoi ne pas indemnisé tant en somme qu'en temps en fonction du temps de cotisation des employés, personnellement je trouve lamentable de voir qu'après plus de 28 ans de cotisation sans jamais avoir été chômeur je ne sois indemnisé qu'à 60% max du...

à écrit le 27/12/2022 à 8:39
Signaler
La réduction du chômage ne change rien au taux d'activité trop bas en france. Même en biaisant les chiffres, ce n'est pas en déchirant notre tissu social sur lequel est brodé notre tissu économique qu'ont va relancer l'activité. Notre performance éco...

à écrit le 26/12/2022 à 15:21
Signaler
Bonjour, Tous vas bien, l'ons continue de réduire les droits des salariés ( chômage, retraite) , et l'ons ne diminue pas les prélèvements sur les salaires.... Tous ce vas , merci a la politique de Mr Macron... Je remercie tous les salariés de gau...

le 26/12/2022 à 17:40
Signaler
Macron est le Président de vieux boomers ayant toujours vécu à l'abri du chômage et de ce fait toujours friande de la rengaine "chômeur = fainéant".

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.