Michelin et Clermont-Ferrand : un destin commun

 ©AFP - Thierry ZOCCOLAN
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Les Enjeux territoriaux sont à Clermont-Ferrand, au siège social de Michelin qui vient d’annoncer la suppression de 313 postes dans la capitale auvergnate, afin d'analyser la mutation de la société et ses conséquences sur la ville.

Avec
  • Thomas Zanetti Maître de conférences en aménagement de l'espace et urbanisme à l’Université de Lyon 3

Avant hier, mardi 29 novembre, le manufacturier de pneus Michelin a annoncé la suppression à venir de 512 postes en France, dont 313 à Clermont-Ferrand. La société, qui reste le premier employeur privé de la ville où elle est née il y a plus d'un siècle en 1889, poursuit sa mutation d'entreprise industrielle en entreprise de haute technologie, redessinant à la fois ses emprises et le tissu social de Clermont-Ferrand. Quant à la ville, la municipalité s'accroche, avide des emplois, des richesses et de la renommée fournie par le leader mondial du pneu.

Un ancrage historique

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L'urbanisation de Clermont-Ferrand s'est développée au pourtour de ses deux anciens noyaux historiques qui sont Clermont et Montferrand. Entre ces deux noyaux  se trouvait un espace d’environ deux kilomètres avec des terres maraîchères, puis des coteaux de part et d'autre. Cet espace, lié à des activités agricoles mais non urbanisé va profiter à Michelin. Des usines, des cités ouvrières et des équipements vont voir le jour sur une superficie de 180 hectares dans la première partie du XXᵉ siècle. Thomas Zanetti tient à préciser que Clermont Ferrand n’est pas une ville usine, mais qu’une partie de la ville qui est consacrée au système Michelin, la ville ne s’étant pas construite autour de l’usine comme d’autres villes en France.

Une emprise sur la ville

Thomas Zanetti définit l’emprise de Michelin sur la ville comme triple : « spatiale, puisque Michelin va prendre possession de tout un espace dans la ville ; économique, puisque Michelin est la première entreprise de la ville avec énormément de salariés ; et une sociale, liée à ce système paternaliste qui se construit dans la première partie du XXᵉ siècle, mais qui va perdurer jusqu'à jusqu'aux années 1980. On est Michelin du berceau à la tombe comme on dit, c'est à dire qu'on est dans une crèche Michelin ou dans la maternité Michelin, on va à l'école Michelin, on est formé par Michelin, avant de travailler dans l'entreprise jusqu'à sa mort ».

La mutation de la société entraîne celle de la ville

Aujourd’hui, les transformations internes à l’entreprise, notamment numérique, impactent sur la sociologie de la ville. La mobilisation des dernières avancées technologiques et l'intelligence artificielle, qui est utilisée pour superviser les machines de production, pour gérer les flux et les stocks de marchandises, impliquent une diminution des besoins en salariés, en employés, et même en techniciens qui opéraient ces fonctions jusque-là. Se rajoute à cela la délocalisation de la production industrielle, Clermont-Ferrand, qui pensait être épargné en tant que siège social de la société, subit d’autant plus la perte de ces emplois dans le secteur secondaire.

Par contre, le fait que Michelin souhaite garder son siège social et son centre de recherche dans la ville garantit à Clermont-Ferrand la pérennisation et le développement d’une catégorie socioprofessionnelle très qualifiée. Cette stratégie impacte toute la ville qui doit s’adapter « il y a eu un paternalisme qui essayait d'attirer les ouvriers dans une ville industrielle. Et maintenant, il y a ce qu'on pourrait appeler un néo paternalisme qui essaye d'attirer des cadres supérieurs extrêmement qualifiés, ce qui n’est pas simple tous les jours. Clermont n’apparaît pas forcément comme une ville attractive donc Michelin va essayer de la faire changer pour qu'elle le devienne pour ses cadres. Par exemple, les cadres ont besoin d'une offre culturelle importante. Michelin a souvent milité pour que cette offre culturelle se développe à la fois en demandant des choses à la mairie, mais aussi en soutenant la candidature de Clermont à la Capitale européenne de la culture, le Festival international du court métrage, le Fonds régional d'art, ou encore la candidature Unesco de la Chaîne des Puys ».

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