Les femmes et la philosophie en France (1880-1949) avec Annabelle Bonnet

La sociologue et philosophe Annabelle Bonnet
La sociologue et philosophe Annabelle Bonnet
La sociologue et philosophe Annabelle Bonnet
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"Femme, être incomplet et condamné à une éternelle enfance, tu prétends t’élever à la philosophie ! Quel aveuglement est le tien ?" Les mots de Victor Cousin, personnage clé de l’institutionnalisation de la philosophie en France au XIXe siècle, donnent le ton sur le sort des femmes philosophies.

Qu’est-ce qu’être philosophe en France entre 1880 et 1949 ?

C’est d’abord et avant tout porter une barbe : être un homme. La IIIe République perpétue cette politique d’exclusion : tandis que la philosophie est élevée au rang de couronnement des études secondaires et de pratique culturelle républicaine par excellence, chargée de suppléer la religion dans l’organisation morale de la société, elle se trouve exclue par la loi des cours prodigués aux jeunes filles.

Les femmes auraient-elles donc simplement été absentes de ces décennies pourtant fondamentales pour l’histoire de la philosophie, de la démocratie et des féminismes ? Se seraient-elle désintéressées de cette activité de l’esprit durant plus de soixante ans ? Y aurait-il une sorte de vide, soudainement comblé à partir des années 1930 par l’élan philosophique curieux de quelques-unes ?

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Les philosophes hommes, quant à eux, auraient-ils été imperméables à la question, malgré l’effervescence des débats féministes dans la société française ? Telles sont les interrogations à l’origine de "La barbe ne fait pas le philosophe. les femmes et la philosophie en France (1880-1949), une enquête signée Annabelle Bonnet dont l’objet n’est autre que cette absence présumée. En déplaçant le regard du centre vers les marges de l’histoire de la philosophie, cet ouvrage interroge l’imaginaire genré qui embrasse cette période et la revisite sous un prisme différent. Il exhume ainsi une sociohistoire des femmes philosophes, une ère pré-Simone de Beauvoir dans la République

Quoique la littérature sur la IIIe République soit des plus abondantes, citer ne serait-ce qu’un nom de femme philosophe ayant participé à ce moment historique reste malaisé. Outre Simone Weil et Simone de Beauvoir, qui émergent au crépuscule des soixante années de ce cycle républicain et apparaissent tout au plus comme des exceptions historiques et statistiques, l’idée selon laquelle la philosophie française du tournant du XXe siècle aurait été entièrement masculine domine et structure, jusqu’à nos jours, la narration de ce passé

Pourtant, Plutarque défiait déjà quiconque de mesurer la sagesse du penseur à la longueur de son poil… Cette situation n’est pas sans susciter des rébellions, des transgressions, parfois des travestissements – et, ainsi, des évolutions.

Mêlant combats individuels et collectifs, « La barbe ne fait pas le philosophe. Les femmes et la philosophie en France (1880-1949) », d'Annabelle Bonnet, CNRS Editions  est une enquête novatrice. Cette histoire de la place des femmes en philosophie révèle un pan de l’histoire des femmes aux XIXe et XXe siècles et fait ressortir une galerie de femmes philosophes qui s’affirment en dépit des obstacles : de Jenny d’Héricourt et Julie Favre jusqu’à Dina Dreyfus et Simone de Beauvoir, en passant par Jeanne Crouzet, Julie Hasdeu, Clémence Royer, Jeanne Baudry, Léontine Zanta, Alice Steriad, Lucy Prenant, Hélène Metzger, Renée Déjean, Yvonne Picard, Simone Weil ou Marguerite Buffard Flavien.

Sociologue et philosophe, Annabelle Bonnet est chercheuse associée au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron (EHESS)

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