Le Conseil d’État a définitivement levé, mercredi 29 décembre, l’interdiction de vente de fleurs et de feuilles de chanvre chargées en cannabidiol (CBD), la molécule non psychotrope du cannabis. Introduit en France depuis 2014, le CBD était déjà autorisé à la vente mais sous forme notamment d’huiles, de gélules ou de tisanes.

Le gouvernement entendait interdire la vente des fleurs et feuilles, mettant en avant l’impossibilité pour les forces de l’ordre de faire la différence, en cas de contrôle, entre les plantes pourvues ou dépourvues de « propriétés stupéfiantes ». Le Conseil d’État a au contraire estimé que le taux de THC, la molécule psychotrope présente dans le cannabis illégal, « pouvait être contrôlé au moyen de tests rapides » et jugé l’interdiction générale de la vente disproportionnée.

Sur le plan sanitaire, les magistrats rappellent que le CBD a, selon les données scientifiques, des « propriétés décontractantes et relaxantes et des effets anticonvulsivants, mais n’a pas d’effet psychotrope et ne provoque pas de dépendance ». Ce que confirme Laurent Karila, addictologue à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne).

Les produits CBD doivent avoir une teneur en THC inférieure ou égale à 0,3 %. Une dose « trop faible pour que le produit ait un effet addictogène ». Le message doit selon lui être clair : le CBD ne peut être considéré comme un stupéfiant.

Ni médicament, ni complémentaire

En revanche, contrairement aux arguments mercantiles qui peuvent parfois être mis en avant par les professionnels, le CBD n’a aucune vertu thérapeutique scientifiquement établie. Ces produits, insiste Laurent Karila, « ne doivent en aucun cas être considérés comme un médicament ou un complément alimentaire. Ils peuvent simplement avoir des effets apaisants. »

À condition d’en user avec modération. Le médecin qui tient le podcast Addiktion (disponible sur toutes les plateformes) souligne en effet qu’un abus de CBD peut avoir des effets nocifs comme des atteintes au foie, la provocation de tachycardie ou de tremblements. En cas de consommation à forte dose de CBD, il est recommandé d’en parler à un professionnel de santé.

Reste la problématique du produit vendu sous forme de feuilles séchées destinées à être mélangées à du tabac pour être fumées. Toute combustion a des effets nocifs sur les poumons, mais aussi le sang ou les muscles. « Je recommande de consommer le CBD sous d’autres formes, comme le vapotage ou la vaporisation », précise Laurent Karila.

Décrocher du cannabis THC

La légalisation de la vente de feuilles de chanvre de CBD ne risque-t-elle pas de banaliser la consommation de cannabis contenant du THC ? Cette dernière, rappelle le président de Fédération Addiction, Jean-Michel Delile, reste une molécule très addictive et nocive pour la santé.

La réponse du psychiatre est nuancée. Certes, cela peut contribuer à brouiller le message de prévention. Mais la complexité n’est pas forcément un handicap. « On voit que la consommation de cannabis baisse nettement chez les plus jeunes générations, explique-t-il. D’une part parce qu’elles se rendent compte des dégâts que cela produit sur le comportement. Mais aussi parce qu’elles sont réceptives à un discours moins global et moral mais plus rationnel, qui distingue la dangerosité de chaque produit. »

En matière de santé publique, la stratégie des industriels qui consiste aujourd’hui à développer la consommation de tabac chez les jeunes via des cigarettes électroniques jetables l’inquiète bien davantage.

Enfin, le CBD peut, selon le psychiatre, présenter un intérêt pour ceux qui tentent de décrocher du cannabis THC, souvent vers 30 ou 40 ans. « Il semble que cela soit un moyen de renoncer aux effets nocifs tout en conservant le petit rituel de fumer », observe-t-il en reconnaissant modestement que, en ce domaine, les connaissances évoluent de manière très empirique.

La légalisation du CBD pourrait donc contribuer à rendre le débat moins idéologique. À condition, insiste Jean-Michel Delile, que cette ouverture soit accompagnée d’un vrai effort d’information intelligente.