(1/4) Conte du Nouvel An : le vieil homme et les grives

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  • La chasse à la grive immortalisée sur une carte postale.
    La chasse à la grive immortalisée sur une carte postale. Collection T. A.
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CORRESPONDANT

Midi Libre vous offre ce conte

du Nouvel An en quatre épisodes, imaginé par Thierry Arcaix, notre correspondant de Claret, Vacquières et Fontanès et Ferrières-les-Verreries.

"Quand Pierrot enfila son manteau, il faisait froid. C’était presque 6 heures et demie du matin. Trop tôt par rapport à l’hiver qui s’installait. Enfin, trop tôt, juste pour sortir, quand on a 82 ans, lui disaient les gens. Mais il avait toujours été comme ça, le Pierrot. La question, c’était de savoir ce qu’il allait faire. Si beaucoup seraient restés bien au chaud dans leur maison, lui, il ne le pouvait pas. Il ouvrit sa porte, sortit et ne referma pas à clé derrière lui.

Il ne le faisait jamais, comme quand il était jeune. Il n’était pas sensible à tout ce que l’on disait à la télévision sur l’insécurité. D’ailleurs, cette fameuse télé, il ne la regardait pas. Si quelque chose devait lui arriver, cela lui arriverait.

En attendant, il s’engagea sur sa route. Le froid vif lui piquait le visage, ses pas sur les herbes gelées les faisaient craquer. En fait, il suivait les mêmes chemins, inscrits depuis longtemps dans sa mémoire. Longtemps, il s’était levé de bonne heure et avait même été chasseur. Il en avait abattu, des tourdres, des cha-chas, et plus rarement, des draines, ces grosses grives qui arrivent un peu plus tard que les autres.

C’était l’essentiel de sa vie de chasseur, de l’automne à l’hiver. Il se souvenait de cette année où il avait fait si froid, en 1969-1970, et où on tuait tellement de grives et de merles qu’on ne trouvait même plus de cartouches. Et puis, bien après, tout a changé, l’agriculture, les routes, les maisons, le climat. Plus de grives, et comme lui n’aimait pas chasser le sanglier ni le faisan, il avait arrêté. Mais toujours, il marchait, aux mêmes endroits.

Son petit-fils lui avait conseillé de faire de la photo, mais ça ne lui plaisait pas. Ce que son petit-fils ne comprenait pas, c’est qu’il faut photographier pour soi-même, sans rien acheter comme appareil, voir avec ses yeux, et s’imprégner des odeurs, de la fraîcheur, des chaleurs, de l’humidité, de la brise, des mouvements.

C’était ça qui restait vraiment, après, gravé au fond de soi-même. Plus il avançait entre les chênes verts, plus des émotions lui venaient. Sur le sol gelé, avaient marqué des sabots. Petits. Peut-être un chevreuil. Des animaux que l’on ne voyait pas ici à l’époque. Il ne s’attarda pas et continua sa route incertaine, tout en ressentant comme une oppression..."

À suivre.

Correspondant Midi Libre : 06 23 10 62 21

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