La créativité et la curiosité, piliers de l'innovation

Trois facteurs facilitent le développement d'équipes créatives et curieuses : l'état d'esprit de développement (ou growth mindset), la capacité à prendre en compte des perspectives multiples, et la diversité au sein des équipes.

Favoriser l'état d'esprit de développement

(...) Dans les organisations qui valorisent le développement ( growth mindset ), on considère que les personnes ont une capacité à apprendre en continu, à se développer et à se renouveler (comme les fleurs de notre jardin) ; leurs compétences ne sont pas figées, mais dépendent exclusivement de l'effort qu'elles accepteront de consentir pour les développer. Le savoir n'est pas un stock, mais un flux, et il est nettement plus important d'accroître ce flux que de partir d'un stock important.

Dans cette perspective, un trop grand savoir initial peut être vu comme un ennemi de l'apprentissage. Quand nous supposons que nous détenons un savoir, nous avons tendance à protéger cette connaissance qui nous assure un statut et nourrit notre ego. Nous écoutons moins et nous remettons peu en question notre stock de connaissances.

Comme le dit le CEO de Microsoft, il faut passer d'une posture de sachant (knowing it all) à une logique d'apprenant (learning it all). C'est le fondement du growth mindset. (...) Poser des questions est l'essence de la curiosité : cela permet de creuser les perceptions et les opinions des autres pour enrichir notre point de vue et les idées que nous proposons.

Sortir d'une logique binaire

D'une façon générale, curiosité et créativité exigent de sortir de toutes les solutions binaires : vrai ou faux, bien ou mal, noir ou blanc. Non seulement toutes les postures binaires évacuent la complexité qui caractérise notre temps, mais en outre, elles font tourner les débats vers des logiques de domination : convaincre ou se soumettre, perdre ou gagner, etc. Lorsqu'en revanche, une équipe perçoit la complexité des enjeux, chaque participant à une discussion aura tendance à davantage écouter les différents points de vue et à les approfondir, plutôt qu'à essayer d'imposer le sien. Lorsqu'un manager évoque dès le début d'une présentation le caractère complexe du sujet abordé, il cadre d'emblée le débat en désamorçant chez chaque participant la tentation de proposer une solution « simple et évidente », et invite chacun à entrer en profondeur dans l'écoute et l'analyse.

Une autre bonne pratique permettant de sortir des logiques binaires consiste à demander à un membre de l'équipe de jouer le rôle du (ou de la) « Nespresso (wo)man » pendant une réunion. Cette appellation renvoie aux campagnes de publicité de Nespresso avec George Clooney, dont la signature est « Nespresso, What else? ». Le (ou la) Nespresso (wo)man est celui ou celle qui pose inlassablement la question « Et quoi d'autre ? » (What else?). Lorsque l'équipe converge trop vite vers une solution issue d'un raisonnement binaire, il ou elle prolonge la discussion par des questions d'ouverture : « Plutôt que de se concentrer sur les options A ou B tout de suite, quelles seraient les autres alternatives ? » Cela permet de ne pas se contenter d'une discussion trop superficielle et pauvre et d'inciter chacun à être plus créatif dans la recherche d'idées ou de solutions… qui devront ensuite être testées.

Créer une culture d'ouverture

(...) La mise en place de rituels managériaux adaptés qui favorisent la fertilisation croisée entre équipes différentes est importante pour stimuler et diffuser cette disposition d'esprit.

Parmi les bonnes pratiques existantes, on trouve par exemple les stand-up meetings de quinze minutes entre collègues d'équipes différentes qui, chacun à leur tour, viennent présenter leur service et ses principaux enjeux. Cinq minutes pour présenter son activité, cinq minutes pour partager les questions du moment, cinq minutes pour poser des questions et y répondre. Le fait de devoir rester debout incite à rester concis et efficace. Ces partages rapides peuvent susciter ensuite des idées d'échanges ou de projets plus approfondis. (...)

Un autre rituel observable dans de nombreuses entreprises de la Tech est celui des ninja lunch. Plutôt que de manger seul ou de manger toujours avec les mêmes personnes, les ninja lunch permettent de partager le moment du repas avec des collègues différents, d'apprendre à connaître leur métier et de se construire une vision plus transverse de l'entreprise. (...)

Le job swapping (échange de rôles, aussi connu comme « vis mon job ») est également une technique très riche pour inciter à l'ouverture et à la prise de recul. Il s'agit d'échanger son poste ou sa fonction avec celui d'une autre personne pendant une période déterminée. Cela peut être une expérience très courte, comme lorsqu'une personne vient observer ou accompagner l'activité d'un autre collègue pendant une demi-journée, ou prendre une forme plus longue, lorsqu'une personne prend les responsabilités d'une autre pendant plusieurs mois. Le job swapping peut s'exporter hors de l'entreprise. (...)

D'autres sources d'enrichissement personnel et d'ouverture d'esprit peuvent être facilitées ou encouragées par les organisations, comme la participation à des colloques professionnels pour élargir son réseau et pour découvrir qu'ailleurs, des collègues font face à des problèmes similaires, mais y ont apporté des réponses tout à fait différentes. Les nouvelles idées ainsi engrangées pourront faire l'objet de tests.

De même, les clubs professionnels interentreprises et dédiés à une fonction facilitent les échanges autour de thématiques précises. La confiance entre les membres y est essentielle et la confidentialité sur leurs échanges garantie pour pouvoir partager franchement de vraies problématiques et profiter ainsi des expertises et de la diversité des points de vue.

Encourager la diversité

Si deux têtes pensent exactement la même chose, il y en a une de trop ! Inclure dans les organisations et les équipes une diversité de parcours, de milieux socioculturels, de genres, de nationalités, d'ethnies, etc. est une manière de favoriser l'ouverture d'esprit. Les certitudes gangrènent notre créativité, et la diversité est un puissant antidote pour faire circuler des points de vue différents.

Néanmoins, il ne suffit pas de faire venir des profils différents dans l'entreprise pour que tout change. Le groupe peut souvent faire barrage à l'intégration des nouveaux venus, d'autant plus s'ils sont « différents ». (...) Il est donc nécessaire de travailler à l'inclusion des nouveaux dans les équipes préexistantes.