Peut-on consommer du CBD quand on est enceinte ?

Publié le par Estelle Hersaint

Enceinte, vous avez mal au dos, du mal à dormir ou des nausées ? Vous avez certainement entendu parler du CBD (cannabidiol) pour vous soulager. Est-ce toutefois une bonne idée ? Sacha Hertzog, membre de Fédération Addiction et spécialiste de la question nous répond.

Difficile de passer à côté du CBD. Présent partout aujourd’hui, il est considéré comme une alternative naturelle, un traitement potentiel pour les petits maux du quotidien comme le stress, les nausées, les douleurs lombaires ou les troubles du sommeil. Des affections bien connues des futures mamans pendant leur grossesse. Mais s’il peut être tentant de consommer du CBD tout en attendant un bébé, ce n’est pour autant pas conseillé.

Le CBD : c'est quoi ?

Le CBD, ou cannabidiol, est « une des molécules contenues dans la plante de cannabis », définit Sacha Hertzog, membre de Fédération Addiction. A ne pas confondre avec le cannabis lui-même, une plante complexe composée de nombreuses molécules (au moins 200 cannabinoïdes), et principalement le CBD et du fameux THC (tetrahydrocannabinol), molécule psychoactive.

En fait, il existe de nombreuses variétés de cannabis, certaines plus ou moins fortement dosées en THC. Si la consommation de cannabis dite « récréative » est illégale en France, c’est en grande partie à cause de lui. « Quand les gens fument du cannabis récréatif, ce sont les effets du THC qu’ils vont ressentir », assure notre expert. Cette molécule peut engendrer des troubles de la mémoire, de l’attention, une forte dépendance et son effet euphorisant peut entraîner des hallucinations.

En revanche, d'autres variétés de cannabis ont un taux de CBD particulièrement élevé, et sont plutôt relaxantes, antalgiques et sans risque d’addiction. Sa consommation dite de « bien-être » est parfaitement légale en France (du moment qu’il ne contient pas plus de 0,3% de THC), tant et si bien que les boutiques fleurissent dans toutes les villes.

Techniquement, le CBD n’est pas considéré comme une drogue. D’ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a conclu, lors d’une de ses réunions« qu’à l’état pur, le cannabidiol (CBD) ne semble pas présenter de potentiel d’abus, ni être nocif pour la santé ». Néanmoins, l’OMS reste réservée sur ce produit, tout comme l’Académie de pharmacie qui assure que « le CBD n’est pas une molécule anodine. En effet, les essais cliniques réalisés avec du CBD sous forme pure (…) ont montré que ce médicament peut induire de nombreux effets indésirables (somnolence, troubles digestifs, fièvre, fatigue, diminution de l’appétit, atteinte hépatique…) et qu’il faut aussi se méfier des interférences avec d’autres médicaments ». Prudence donc.

Huiles, infusions, thé, crème... Quels sont les effets du CBD ? Quels sont les risques lorsqu'on fume des fleurs riches en CBD et qu'on est enceinte ?

Selon plusieurs études scientifiques, l’utilisation du CBD pourrait avoir des vertus thérapeutiques, notamment en cas d’épilepsie. Pour toutes les autres pathologies, des preuves supplémentaires sont encore nécessaires. Pourtant, il est considéré comme un allié de la phytothérapie, voire un traitement dans certains pays comme en Suisse ou en Norvège. En France, son utilisation fait encore l’objet de recherches médicales et d’expérimentations.

Il semble que le CBD ait de nombreuses propriétés : relaxant et antalgique, il est connu pour apaiser les migraines, les douleurs lombaires, les nausées mais aussi faciliter le sommeil. Une étude a même montré que le CBD pouvait aider certains gros fumeurs de cannabis à arrêter leur consommation.

Le CBD peut se consommer de bien des façons : « Tisanes, huiles, gélules, e-liquide, infusions, fleur de cannabis riche en CBD … les possibilités sont multiples », assure Sacha Hertzog. Néanmoins, fumer (ou vapoter) une fleur de cannabis est fortement déconseillé, surtout quand on est enceinte.

En effet, fumer du CBD, avec ou sans tabac, expose aux mêmes dangers qu’en fumant une cigarette, il se produit une combustion. « Quand on fume, on produit et on ingère du monoxyde de carbone, un gaz inodore mais très toxique », assure notre expert de Fédération Addiction. « D’autant que la fumée inhalée transporte aussi d’autres substances dangereuses qui peuvent abîmer les poumons et tout le système respiratoire en général », poursuit-il. Au total, la fumée de cigarette renferme jusqu’à 7 000 composés chimiques (goudrons, mercure, plomb, etc.), dont au moins 70 sont cancérigènes. Sur le sujet, la Midelca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) est claire : « Pour une grossesse zéro risque, dès l’arrêt de la contraception, c’est 0 alcool, 0 tabac, 0 cannabis ».

 

Grossesse et cigarette : un mauvais duo

Tout comme le tabagisme passif, particulièrement insidieux, fumer pendant sa grossesse comporte nombre de risques : les grossesses extra-utérines et les fausses couches sont deux à trois fois plus courantes, tout comme les accouchements prématurés. L’inhalation de monoxyde de carbone, gaz particulièrement toxique, et de nicotine, contribue également à une mauvaise oxygénation du futur bébé. D’autres substances chimiques présentes dans le tabac peuvent aussi être néfastes pour la santé du fœtus et entraîner de véritables retards de croissance (y compris sur le plan cognitif quand il s’agit de cannabis récréatif).

Toutefois, il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer, même en fin de grossesse ! Si vous avez besoin d’aide, vous pouvez contacter :

  • Tabac info service : 39 89, du lundi au samedi de 8h à 20h (appel gratuit)
  • Drogues info service : 0 800 23 13 13, 7j/7, de 8h à 2h du matin (appel gratuit)
  • Écoute cannabis : 0 980 980 940, 7j/7, de 8h à 2h du matin (appel anonyme et non surtaxé)

Puis-je consommer du CBD enceinte ? Quelles sont les conséquences sur le futur bébé ? Existe-t-il des contre-indications chez la femme enceinte ?

S’il est fortement déconseillé de fumer des fleurs de cannabis riches en CBD pendant la grossesse (ou tout autre substance d’ailleurs), qu’en est-il des autres modes d’administration ?

La réponse est simple… « on ne sait pas », confie Sacha Hertzog. Face aux maux de tête, douleurs lombaires et musculaires, nausées, certaines futures mères peuvent être tentées de prendre du CBD à visée médicale et même si a priori, il n'y a pas de contre-indication particulière, « il y a encore trop peu d’études, voire aucune, qui décrit les effets du CBD sur les futurs bébés. Alors dans le doute, on déconseille aux femmes enceintes de prendre du CBD », poursuit-il.

En effet, il n’existe à ce jour aucune recherche significative sur l’impact du CBD sur les fœtus ou les nouveau-nés. Compte tenu de ce manque de données, « la FDA (Food and Drug Administration, aux Etats-Unis, ndlr) déconseille fortement aux femmes enceintes de prendre du CBD », assure Sacha Hertzog. L’inquiétude vient du rapport du US Surgeon General, qui prévient les futures mères et consommatrices de cannabis des dangers du THC pendant la grossesse, la substance pouvant être transmise au fœtus et entraîner un réel retard de développement, augmenter le risque de naissance prématurée ou de mortinatalité.

Même si CBD et THC sont deux molécules différentes, elles sont toutes deux présentes dans la plante de cannabis. Or, même les produits contenant essentiellement du CBD, contiennent aussi du THC, bien qu’il soit en très petite quantité.

Le peu de recherches menées sur le CBD ne permettant pas d’écarter tous dangers pour le futur bébé, la précaution est donc de mise. Non pas parce que le CBD soit dangereux pour le fœtus, mais parce que les études n’ont pas encore confirmé le contraire. Par manque de recul scientifique, pour le moment, c’est l’inconnu. Alors tant qu’il n’y a pas encore eu suffisamment d’expérimentations, mieux vaut appliquer le principe de précaution et éviter toute consommation.

Peut-on prendre du CBD pendant son allaitement ?

Le même questionnement se pose pour l’allaitement. D’ailleurs, selon une étude américaine (2018), du THC se retrouverait dans le lait maternel jusqu’à 6 jours après qu’une femme ait fumé du cannabis récréatif. Même si la quantité de THC ingérée par le bébé est assez faible, les experts ne savent toujours pas si ces doses sont sans danger ou non. Si là encore, la plupart des données existantes concernent uniquement le THC et non le CBD, le même principe de précaution est de mise.

Alors, même si les produits consommés en France ne doivent pas contenir plus de 0,3% de THC, sa seule présence suffit pour qu’on limite les risques pour le nourrisson. Et pour cela, mieux vaut ne pas consommer de CBD (ou évidemment de cannabis récréatif riche en THC) si on souhaite allaiter.

Dans tous les cas, si vous avez consommé du CBD durant votre grossesse ou après, ou envisagez de le faire, parlez-en au préalable avec votre médecin ou votre sage-femme.