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Éthique et déontologie

Morale, éthique et déontologie - Michel Maffesoli

Voici la sixième note de notre série sur les valeurs. Nous la devons à Michel Maffesoli, sociologue bien connu, membre de l'Institut universitaire de France.

Éthique Vs Déontologie

Selon le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Le Robert), éthique et déontologie renvoient en fait à des réalités assez différentes : alors que l’éthique est définie comme la « science de la morale » ou « l’art de diriger la conduite », la déontologie est définie comme la « théorie des devoirs, en morale ». Cette distinction est en grande partie la même dans le Funk and Wagnalls Standard Comprehensive International Dictionary, dans laquelle l’éthique est définie comme : « L’étude et la philosophie de la conduite humaine, en mettant l’accent sur la détermination du bien et du mal : l’une des sciences normatives. » Elle définit la déontologie plus simplement comme suit : « La science de l’obligation morale ou du devoir ». Ainsi, la déontologie tend à encourager plus qu’à dissuader, et elle se concentre davantage sur les attentes (limitations implicites) que sur les interdits (restrictions explicites).

L’éthique est une partie de la philosophie centrée sur ce qui est fondamentalement juste. L’éthique se préoccupe de ce qui est approprié pour faire la bonne chose. C’est l’objet de la réflexion éthique. Avoir de bonnes intentions, c’est bien beau, mais cela ne garantit en aucun cas des résultats de haute moralité.

L’éthique est un processus de réflexion sur la prise d’une décision juste compatible avec les valeurs ou le but de l’État.

En nous référant à l’éthique, nous nous référons à un sens du but plutôt qu’au « comment ». Il est facile de tracer un chemin quand on connaît sa destination. Les valeurs de l’État ont un lien direct avec le concept de bien-être commun, c’est-à-dire ce que l’État doit faire pour gérer ses relations avec ses citoyens. Dans une décision éthique responsable, le décideur a le choix des moyens à employer pour atteindre cet objectif. Il faut s’assurer que ce choix et c’est très important des moyens mis en œuvre pour arriver au but se fassent avant que la décision ne soit prise plutôt qu’après. La réflexion éthique doit donc intervenir avant qu’une décision ne soit prise, avant qu’elle puisse être qualifiée d’éthique ou de non éthique, alors que la notion d' »imputabilité », de « reddition de comptes » ou de « responsabilité » sont des concepts qui font référence à un moment après qu’une décision a été prise. L’éthique ou la « responsabilité » serait avant, alors que « accountability », « reddition de comptes » et « imputabilité » seraient après.

D’un point de vue étymologique, quand on regarde le terme responsabilité, et ses racines latines, on se rend compte que le mot « res » dans responsabilité fait référence à « la chose », et « responsabilité », « spondere » signifiant « promettre ». Le responsable est celui qui peut faire une promesse. En termes simples, la promesse vient en premier. La personne responsable sera jugée par la suite sur ses actes, et c’est elle qui recevra l’éloge ou le blâme.

La redevabilité est de nature déontologique, c’est-à-dire liée aux règles et à ce qui est permis, plutôt qu’à l’éthique, ou liée à la réflexion pour faire ce qui est juste.

Les éthiciens croient que ce qui est légal n’est pas nécessairement juste. Agir éthiquement ne se réduit pas à une masse d’interdits. Il est plus que cela. L’éthique, c’est plus que simplement ne pas faire ce qui est interdit.

Il vaut la peine de s’intéresser à la distinction entre éthique et morale. L’éthique concerne ce qu’il faut faire dans un certain ensemble de circonstances. La moralité est la ligne personnelle qu’un individu trace entre le bien et le mal. L’éthique est basée sur des valeurs sociétales alors que la moralité peut être davantage une question de vérité révélée, d’héritage, de choix et de valeurs personnelles. L’éthique doit être fondée sur des valeurs claires, réalisables et partagées.

Les règles, les lois et les normes traitent de ce que nous appellerions des cas ordinaires. Ce sont des cas qui sont répétitifs, qui se sont déjà produits, qui ont déjà des paramètres. L’éthique concerne les cas irréguliers où il n’y a pas de règles : la règle est inadéquate dans les circonstances où il y a une différence entre l’esprit et la lettre de la loi. Dans de tels cas, l’individu devra faire une réflexion éthique. Certains diront qu’ils font de leur mieux, mais ils devraient se baser sur des lignes directrices, des valeurs et des principes. Dans tous ces cas, il y aura une certaine incertitude et l’individu peut se tromper.

Un code d’éthique et un code de conduite ne sont pas incompatibles. Un code de conduite est destiné à combler les lacunes d’un code d’éthique.

Enfin, le terme « éthique » en anglais pourrait être mieux traduit par le mot « déontologie » en français.

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